La moto ultime existe t-elle ?
Après 3 années d'expérience du XJR1300C, après un an à bord du S1000RR, et après un retour d'un an en XJR, j'ai senti sourdre à nouveau en moi l'envie d'un nouveau challenge : celui de trouver ma moto parfaite.
Retour sur mes cinq dernières années d'expérience à moto, le chemin, la réflexion, la recherche, l'évolution des envies. Pourquoi changer ? Pourquoi revenir ? Pourquoi changer à nouveau ? Acheteur compulsif ? Eternel indécis ? Je pense que c'est un peu moins trivial que ça...
Je vous propose de rembobiner presque cinq ans en arrière, à Noël 2015. J'achetais alors mon premier XJR, premier gros cube >1000cc pour moi au passage, après 7 ans de permis A. Après un FZ6-N S2, un Bandit 600N (le vilain petit canard), et un FZ8-N R-Line, mon choix s'arrêtait une troisième fois chez Yamaha.
Un peu d'historique
Le XJR1300C (2015 - 2016)
Le XJR est une machine très attachante, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'y suis revenu : très coupleuse, confortable même en duo, un look rock'n'roll, une bonne stabilité grâce à sa longueur et son poids, et l'habitude de l'emmener fort et loin.
Ses défauts sont peu nombreux mais réels :
- une puissance limitée (officiellement 98ch mais en réalité toujours autour de 107ch mesurés au vilebrequin). Très suffisante pour s'amuser au quotidien, mais j'ai le souvenir d'un manque de souffle en montée de cols, par moments, et j'avais trouvé ça frustrant pour un 1300cc (1251cc* réels) ;
- une boîte (qui claque un peu à froid) à 5 rapports seulement, ce qui amène à moins jouer du sélecteur mais à croiser sur une consommation élevée ;
- un petit réservoir (14,5L sur la dernière phase ≥ 2015), ce qui, conjugué à une consommation YOLO, donne une autonomie se révélant souvent critique (entrée en réserve vers 120/130km, plein fait à 150km parcourus si on veut garder une marge de sécurité) ;
- moteur et châssis sont d'une conception ancienne et cela se ressent : le bloc refroidi par air monte vite en température, son taux de compression est bas, quant au châssis il est un peu élastique lorsque mis en tension. On s'y fait bien, on peut jouer avec, mais parfois on peut avoir envie d'un peu plus de rigueur ;
On s'en accommode malgré tout très bien au quotidien car cette moto est belle et généreuse, confortable, elle cache son jeu —son couple musclé vous tracte avec force mais sans violence, en solo comme en duo— et vous pouvez surprendre bien des concurrents solo sur vos trajets !
Nous avons voyagé ensemble, et j'ai de super souvenirs, notamment dans le Jura, en Suisse, mais aussi en Angleterre et au Pays de Galles !
Mais au bout de 3 ans et 65.000km, j'avais le sentiment d'en avoir fait le tour et l'envie d'un nouveau challenge a fini par pointer le bout de son nez.
J'avais par ailleurs le souvenir d'une semaine d'essai du CBR1000RR Fireblade SP1 en 2016, qui m'avait marquée par la qualité de l'ingénierie de l'hypersport, à des kilomètres de l'immense majorité du reste de la production nippone (non hypersport). Elle avait fait passer les roadsters ordinaires pour de vulgaires jouets de plastique mal assemblés et propulsés par des moteurs de tondeuses à gazon. Le tout en me retournant la tête et en mettant à mal mes préjugés sur les sportives.
C'est comme ça qu'après moult recherches et de nombreuses heures passées à lire, me documenter, regarder des vidéos de retours d'expérience, consulter mes connaissances, benchmarker, j'avais fini par me tourner vers quelque chose de radical mais de compatible avec le quotidien, le trajet-travail.
La BMW S1000RR (2014)
HighSide la qualifie de meilleure sportive sur route, excusez du peu. Un autre avis ayant beaucoup compté est le témoignage du YouTubeur Hiko Karuga, qui avait pour seule moto à l'époque un S1000RR de 2013 et qui s'en accommodait fort bien, si l'on peut dire.
Je trouve un modèle peu kilométré, dans une livrée rare car exclusive à l'année-modèle 2014 (Granite Grey Matte & Alpine White), plutôt bien équipée avec son Akrapovič Shorty (option BMW), des leviers HP, le shifter, les poignées chauffantes... bref, toutes options sauf l'alarme BMW (dont l'intérêt est discutable puisqu'elle bipe en guise d'alerte sonore). Le tout dans mon budget : il n'en fallait pas davantage, et c'est ainsi qu'un samedi matin d'août 2018, lors d'un WE dans le Perche avec des amis, j'ai fait la surprise d'un A/R en IDF au petit matin, aidé d'un ami complice, pour la ramener et la baptiser sur-le-champ sur un terrain de jeu adapté.
Cette moto est superlative. Je l'ai adorée, vraiment. Vraiment vraiment beaucoup tout plein. Qu'est-ce que ça donne, la vache ! Le FireBlade passerait presque pour une 600cm3 à côté. Une déferlante de purs-sangs contenue par une électronique précise et équilibrée, un châssis incroyable de précision, très sain. Facile à emmener, pas excessivement fatigante en-dehors de la ville.
Je l'ai amenée dans le Morvan, et quel régal ! 80km/h de vitesse moyenne sur des traces ultra sinueuses de plus d'une centaine de kilomètres : elle mérite bien son titre d'hypersport. Je n'y aurai d'ailleurs quasiment jamais passé la troisième, pour éviter le sous-virage. On perd très bien son permis en 2. En 1 aussi d'ailleurs, mais ce n'est pas très confortable — sauf à être champion de rodéo. Pousse au délit, c'est un euphémisme.
J'ai fini par la revendre, presque sur un coup de tête, alors que je l'avais faite à mon goût. Un peu par peur de prendre trop confiance et de me mettre en danger, mais surtout car elle fermait drastiquement la porte à une frange importante de ma pratique motocyclique : le duo. Certains SDS y arrivent, mais à quel prix ? Et dans quel confort ? Pour nous, c'était impensable. Ma passagère souffrait déjà à l'arrêt et, pire, était sans cesse dans l'angoisse de tomber de la moto, chose qui n'arrivait jamais avec le XJR, qu'elle adorait par ailleurs. Au début, durant les 6 premiers mois, j'avais gardé le XJR, puis l'avais vendu.
Le garage bicéphale
Elle ne m'a rien demandé, ni rien reproché, je trouve ça terriblement respectueux malgré la frustration qu'elle a pu éprouver durant les quelques mois exclusifs du S1000RR. J'ai pris la décision seul, et j'avais déjà repéré mon prochain setup, ce serait un garage à deux têtes : un XJR 2015 presque neuf pour le quotidien, et une Daytona 675 pour l'arsouille et pour débuter la piste.
Long story short, j'ai été déçu deouf par la Daytona que j'imaginais moins proche d'un 600cc et plus proche d'un 1000cc avec sa réputation légendaire. Au final, il fallait l'essorer comme toutes les 600cc 3 ou 4 cylindres, une vraie désillusion pour moi. Agile et raide comme la justice, mais trop creuse à mon goût. Et puis, la piste, j'ai aimé sans accrocher vraiment sauf au bac à graviers mdr. Mais je suis content d'avoir essayé, et surtout de ne pas avoir essayé avec le S1000RR !
Ce deuxième XJR en revanche, ça a été une flamme qui se ravive. J'étais comme à la maison. Une moto que je connais sur le bout des doigts, jusqu'à ses limites routières. Parfaite pour tout donner de mon "pilotage". A son bord, j'emmènerai un groupe d'amis pour un périple bref mais intense de 2500km en 4 jours à travers l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie, la Suisse et évidemment la France.
Mais à l'approche de l'année passée ensemble, ce sentiment bizarre m'a rattrapé, m'a retrouvé : cette moto me plaît beaucoup, mais elle ne me suffit plus. J'ai envie de +. Plus puissant. Du challenge, encore. Apprendre à nouveau, progresser. Mais sans faire les mêmes sacrifices que la fois précédente. Je ne veux pas renoncer au duo. Mieux, je veux le rendre encore meilleur, encore plus agréable !
A la recherche de la moto ultime...
Alors, j'ai pris une feuille et un stylo, et je me suis mis à énumérer une liste de critères pour tenter d'identifier mon prochain cheval de fer. Et dans les grandes lignes, ça a donné quelque chose comme ça :
- un sport GT (capacité d'emport genre valises on/off, moto longue)
- 4 cylindres
- ≥ 1000cc
- une moto plaisante pour du duo même intensif
- un moteur coupleux ET puissant (≥ 150ch)
- pas excessivement chère (≤ 9K€)
- pas KTM (incompatibilité avec mes goûts esthétiques :p)
- pas trop haute
- une partie cycle au top
J'étais bien avancé... chercher une moto qui n'existe pas n'a rien d'amusant. Un vrai mouton à cinq pattes. Quelle galère !
Eurêka
Et puis j'ai eu comme une révélation. Un modèle qui m'avait toujours plu et intrigué, atypique, au look brutal mais au comportement souple et exploitable, confortable et à la fois intimidant de puissance. Une sorte de croisement improbable entre un XJR et un S1000RR, avec le look d'une Batmobile (ou d'un Transformer alpha) à deux roues. Sans le côté atroce des MT (déso pas déso).
Je me suis mis à la confronter à chacun de mes critères... inutile de vous décrire mon ravissement en constatant qu'elle les cochait tous, sans exception ! C'était reparti pour des nuits à lire des tests, à voir des vidéos, à sonder les copains sur leurs expériences respectives, à contacter d'heureux proprios pour vérifier avec eux que la réalité était à la hauteur de la promesse. Et puis, l'écumage du bon coin, évidemment, jusqu'à identifier l'annonce. Ça a pris un bon mois, ce qui est à la fois rapide et interminable quand on est persuadé d'avoir trouvé ce dont on a envie et qui va combler ce désir enfantin. Un peu comme la soirée du réveillon de Noël quand on sait que la PS2 est sous le sapin mais qu'il faut attendre minuit pour la déballer et démarrer la nuit blanche avec son meilleur ami. L'adage dit vrai : on reste des enfants toute notre vie, seul le prix des jouets change.
La BMW K1300R Special Edition (2012)
Eh oui, encore une BMW. Qui l'eut cru ?
Power roadster ou Sport GT ?
J'adore le segment des Sport GT mais il a quasiment disparu. L'offre actuelle est réduite à peau de chagrin, le must était il y a 10 ans environ, mais elles ont été remplacées par les trails routiers qui s'inscrivent pourtant dans un style différent et qui ne me plaît pour le coup pas du tout, d'autant plus que je ne suis pas bien grand et que ma population n'est pas la cible principale de ces motos. Par ailleurs ce désamour est réciproque, je n'aime pas les motos haut perché, je trouve ça laid.
Revenons-en à ce K1300R. Ce modèle reste méconnu, alors je vais le présenter rapidement. Il a succédé au K1200R et a été "remplacé", pour le coup, non pas par un trail (ou alors peut-être le S1000XR ?) mais plutôt par le S1000R, qui perd pourtant complètement les prétentions de duo, ayant la même boucle arrière que le S1000RR. En fin de compte, ce K1300R n'a pas de successeur réel chez BMW. Il est la fin d'un segment (à l'heure où j'écris ces lignes, tout du moins) et je trouve ça très regrettable, mais c'est dans l'ère du temps.
Le K1300R en quelques points
- 173ch : de la puissance à revendre, y compris pour le duo
- 140Nm de couple, dont 70% disponibles dès 3.000 tours/minute ; ça arrache, papa !
- suspension Duolever à l'avant : la fourche sert à la direction mais n'assure pas la fonction de suspension. Ce découplage permet une stabilité hors pair, la moto ne plongeant pas au freinage ! Etonnant mais terriblement efficace
- suspension Paralever à l'arrière, qui intègre le cardan (finis les nettoyages, graissages et tensions de chaîne)
Mais aussi avec quelques options :
- suspensions pilotées ESA II, réglables d'une simple pression sur un commodo pour alterner entre Comfort, Normal & Sport, en solo ou en duo, chargé ou non de bagagerie
- shifter up, une révolution à l'époque (2009). Sur une boîte 6 rapports étagée "sport", mais très douce et souple
- poignées chauffantes
- jantes sport (coloris spécifique (noir brillant), 190/55 à l'arrière, valves sur les bâtons, donc perpendiculaires : très pratique pour gonfler !)
Et une dotation spécifique à la Special Edition de 2012 :
- une livrée unique nommée "Ostra"
- un sabot long en carbone
- le silencieux Akrapovič Titane partenaire avec embout en carbone
Et enfin des accessoires ajoutés :
- une selle confort avec gel pilote + passager
- lèche-roue AR en carbone
- garde-boue en carbone
- protège silencieux en carbone
- protège platines de repose pied en carbone
- protège carter d'embrayage en carbone
- saut de vent en carbone
- commandes reculées BMW HP
- support de plaque Evotech
- tampons de protection moteur
- tampons de protection d'axe de fourche
- tampons de protection du bras oscillant (axe roue AR)
- sacoche de réservoir Givi
OK, mais ça donne quoi en dynamique ?
La partie-cycle est irréprochable, au point d'en être déroutante. Le freinage est très puissant et efficace, à doser subtilement pour éviter une satellisation involontaire. Même en freinant fort, la moto ne plonge pas, ça c'est révolutionnaire. On se prépare, on anticipe, on prend les freins, mais l'assiette ne change pas, pourtant la moto ralentit fort. La direction n'est pas bloquée ni même contrainte, on peut donc freiner en virage sans redresser la moto, quel plaisir !
La machine est précise, facile à mettre sur l'angle malgré ses 243kg tous pleins faits. On sent bien son poids moteur éteint mais au premier mouvement, au ralenti, il se fait oublier. Le confort de l'assise est tout simplement parfait. On est maintenu, cocooné, et à la fois très bien installé, que ce soit pour croiser tranquillement ou attaquer sévèrement.
Le plus fou dans cette histoire, je me demande si ce n'est pas la qualité de l'injection. La consommation est ridiculement basse pour une moto de cette trempe, avec un moteur si plein et si enclin à délivrer sa puissance : mesurée à 5.4L/100km par votre serviteur sur un trip de 600km ce WE. Avec un réservoir de 19L dont 4 de réserve, j'ai pu faire 315km avec le plein fait par le vendeur ! C'est fou. Une prouesse... On parle bien de 1293cc ! Une moto pour voyager très vite (ou pas) et très loin !
Bref, je mettrai à jour ce billet dans quelques mois pour apporter un éventuel complément d'informations, avec l'expérience et le recul. Mais pour l'instant, c'est une bonne pioche absolue. Le modèle est déjà formidable, mais alors cet exemplaire, il est carrément dément !
Quand tu démarres cette moto, t'as un peu le sentiment de faire un deal basé sur le respect mutuel avec elle. Un peu comme avec un cheval. Un cheval qui aurait une sorte de personnalité mécanique. Et ce deal, on pourrait presque le résumer par un "not today". Elle force l'humilité, et c'est très bien.
Et pour rappel : la moto parfaite, c'est celle qui correspond à vos envies et à vos besoins. Ni plus, ni moins ! (oui oui, fut-ce une MT ou même un Z :p)