7 juillet 2015 • 12 min de lecture

Au revoir D800, bonjour X100T !

Au revoir D800, bonjour X100T !

Cette annonce peut paraître surprenante, après vous avoir loué les qualités du couple terrible (D800 + 35mm f/1.4 Art). Ce n’est ni un coup de tête, ni un coup de soleil. Ce n’est pas un projet non plus, puisque j’ai déjà revendu tout mon matériel reflex, qui se résumait déjà à un boîtier et deux objectifs, pour le remplacer par le compact mirrorless Fujifilm X100T.

Alors, qu’est-ce qui a pu motiver ce choix à part une insolation ? 😀


Pourquoi avoir abandonné l’univers reflex ?

L’idée me traversait l’esprit de temps à autres, sans jamais s’installer. Elle s’est d’abord manifestée sous la forme de la curiosité, un peu amusée. Le jour où l’on me ferait poser mon reflex n’était décidément pas arrivé et il faudrait se lever bien tôt pour me convaincre du contraire. Seulement, personne n’a essayé de me convaincre, à part moi-même. Intrigué, je me mis en quête de trouver des lectures, des retours d’expérience de professionnels ayant emprunté ce chemin avant moi, afin d’en extraire d’hypothétiques raisons de rester dans ma zone de confort, d’asseoir mes préjugés.

Si, de Zack Arias à Stephen Bunn en passant par Riley Joseph ou Gérald Géronimi, j’ai rapidement trouvé des témoignages illustrés et argumentés (adressant en particulier la série X100 chez Fujifilm), j’ai en revanche eu davantage de peine à trouver ces raisons, ce qui n’a fait que renforcer mon intérêt pour ce changement. Un changement de matériel, certes, mais surtout de philosophie photographique.

La taille, ça compte !

Je me suis récemment retrouvé en duo sur un mariage, avec un ami photographe. Il s’agissait d’un reportage de la journée complète, depuis les préparatifs à 9h du matin jusqu’en milieu de bal, vers 2h du matin. Une journée classique mais qui reste longue pour le commun des mortels, puisqu’en supprimant environ 1 heure de travail pour les deux repas cumulés, cela laisse environ 16 heures d’activité. Dont la majeure partie du temps à porter le matériel.

Je vous le donne en mille : après avoir déambulé/couru toute la journée et procédé à plusieurs sessions de photos de groupes, mes presque 2Kg de boîtier+objectif à bout de bras m’ont provoqué quelques raideurs musculaires et crampes à la main droite, non sans me rappeler ma récente (décembre 2014) névralgie cervico-bracchiale. Malgré la BlackRapid (sangle type sling-shot), malgré le fait d’avoir considérablement réduit mon parc matériel. Et je ne vous parle pas de l’ami avec D3s, 24-70mm f/2.8, 70-200mm f/2.8, 24mm f/1.4, 50mm f/1.4… j’ai plaint son dos.

Ça, c’est mon ancien D200 et son Tamron 17-50mm f/2.8, en 2009. Niveau poids, ça revient à peu près au même que le D800 + Sigma 35mm f/1.4 en 2015 😉

Si je résume, au complet, voici la comparaison entre mon fonctionnement Nikon et la promesse Fuji :

DSLR (NIKON)

  • Boîtier D800 + batterie : 1.000g
  • Objectif 1 35mm : 700g
  • Objectif 2 105mm : 725g
  • Batterie additionnelle : 130g
  • Poids total : 2.555g

Mirrorless (FUJIFILM)

  • Boîtier X100T + objectif interne + batterie : 440g
  • 6 batteries additionnelles : 240g
  • Poids total : 680g

Je ne compte pas les triggers ni les flashes, qui ajoutent pourtant du poids, car je les utiliserai toujours avec le système Fuji. Hormis ce point, le corollaire évident de cette différence est que j’emmène mon nouvel appareil partout avec moi. Il a élu résidence dans un sac ONA Bowery qui me permet de loger mes papiers personnels, ma phablette, une batterie chargeuse externe haute-capacité, mes clés, etc. Même quand il ne me sert pas, il reste discret par sa légèreté et son encombrement réduit, ce qui m’invite à ne pas hésiter à le garder avec moi.

Le style documentaire se pratique mieux dans l’ombre…

Une fois le dos soulagé, il reste d’autres problématiques. Mon style photographique, c’est le reportage documentaire. L’idée est donc de prendre le contre-pied des photos posées pour préserver le naturel et raconter des histoires sincères et justes. Avec un mirrorless, on passe presque pour un invité. On se retrouve d’ailleurs avec des gens qui ont un équipement plus massif que le nôtre. Autrement dit, c’est parfait pour se fondre dans la masse et créer du témoignage en images.

Outre le gabarit réduit de l’objet, on ne peut qu’apprécier l’assourdissant silence qui le caractérise. Remarquablement discret de base, le X100T dispose d’un mode silencieux qui parachève le travail. Finis les bruits du miroir qui claque dans l’église ou dans une salle de concert, pendant un récital classique, qui trahissent notre présence et altèrent parfois l’ambiance. Et pour cause, comme l’indique le nom mirrorless : il n’en a pas.

La discrétion est par conséquent un atout de taille (c’est le cas de le dire) qui évite aux sujets de revêtir leurs masques respectifs, presque comme un mécanisme d’autodéfense face à l’agression d’un gros reflex qui les tient en joue en ponctuant les prises de vue de petits claquements rappelant l’agréable mélopée des armes automatiques, explosions en moins. Je grossis volontairement le trait… 🙄

Une façon pratique d’assumer le discours théorique

Depuis des années, je râle à propos des gens néophytes (mais pas nécessairement mal intentionnés) qui, au cours d’un mariage, me sortent le traditionnel Eh ben, il fait vraiment de belles photos votre appareil !. 👿

Je pense que ça agace 100% des photographes car même si l’outil est important, il reste un outil. Et dans les mains d’un profane, il n’en sort rien de bon. A contrario, des appareils médiocres entre les mains de personnes talentueuses donnent des résultats surprenants !

Quelque part, je me suis toujours senti un brin hypocrite car même si c’est ma conviction, le fait de se trimballer 5000€ de matos (voire plus) vient en légère contradiction avec le postulat de départ. Cela dit, on peut toujours se défendre en expliquant que la durabilité et la fiabilité sont nécessaires aux pros et ont un coût évident. Mais aux yeux du profane, cela n’a pas de poids.

Alors quelle plus belle occasion que de prouver une fois pour toutes que même sans reflex, la qualité de mes images n’ira pas en s’amoindrissant ? C’est une sorte de défi personnel : mon outil est moins ergonomique qu’un reflex, c’est vrai. Son capteur n’est pas un full-frame, c’est vrai. Il aurait certainement un score risible sur DxOmark, c’est vrai. Mais je suis certain de faire d’au moins aussi bonnes images qu’avec mon ancien matériel, car ça reste un outil. Et maintenant, c’est devenu un outil discret, pas loin de la cape d’invisibilité 😉

Et je me réjouis d’avance de ne plus moins entendre cette phrase idiote !


Pourquoi Fujifilm et pourquoi le X100T ?

Comme je l’ai déjà expliqué dans un billet précédent, je ne badine pas avec le travail de recherche avant tout achat/changement d’outillage. Je laisse passer plusieurs nuits jusqu’à ce que j’aie récolté suffisamment de conseils, je lis les tests professionnels sur différents sites web indépendants, je lis surtout les avis, tests et retours d’expérience d’utilisateurs. Dans le cas de matériel photo, ça passe évidemment par la consultation d’images produites avec les outils à propos desquels je me renseigne. Idéalement, si c’est possible, je vais essayer en boutique ou mieux, sur le terrain après prêt par une connaissance. Pas de place à l’improvisation et pas de feeling surprise.

Deux viseurs valent mieux qu’un

Un viseur optique enrichi (si on le souhaite)

Le viseur optique reprend la formule rendue célèbre par Leica : on observe un cadre plus grand que le cadre de la photo, ce qui permet d’anticiper sa photo. En effet, on peut repérer des sujets allant entrer ou sortir du champ, à l’inverse de la visée reflex. En photo de rue comme de reportage, c’est très pratique.

Un viseur tout électronique

D’une simple pression sur un bouton en façade, le viseur bascule et devient tout électronique. On se rapproche alors de la visée reflex à deux point principaux près :

  • Primo : what you see is what you get. Autrement dit, ce que vous voyez correspond au résultat que vous obtiendrez. Modifiez la vitesse d’obturation ou la sensibilité ISO et vous verrez instantanément l’exposition changer dans le viseur. Finies, les photos témoins avant d’ajuster les réglages, les tâtonnements pour arriver au résultat souhaité.
  • Secundo : on y voit clairement mieux dans l’obscurité. Un viseur reflex vous montre la réalité. C’est pratique dans bien des cas mais ça peut devenir handicapant dans certaines conditions de lumière très difficiles.

Les joies du télémètre électronique

Si le Fujifilm X100T n’est pas le premier appareil (loin s’en faut) à proposer une assistance à la mise au point sous la forme de Focus Peaking, il est en revanche le premier appareil au monde à disposer d’un télémètre électronique. Il apparaît, si on le souhaite, dans le coin bas-droit du viseur optique ou au centre du viseur électronique et présente deux images distinctes à des longueurs focales différentes qu’il suffit de superposer pour une mise au point réussie. C’est un peu le pendant du stigmomètre avec lequel il fallait aligner les deux demi-cercles au centre du viseur.

Un amour du 35mm

Depuis septembre 2014, je n’utilisais plus que mon 35mm. J’ai découvert cette longueur focale sur le tard mais elle m’a complètement séduit au point de réduire mon activité photographique à cette seule focale. Le X100T proposait un Fujinon 23mm f/2 sur son capteur APS-C (soit équivalent cadrage 24×36 : 35mm), ce qui était donc parfait. Une façon de consommer ce mariage au 35mm : l’objectif n’est pas interchangeable, j’ai accepté de me passer les menottes 😀

L’image par Fujifilm

La chromie des X-Trans

Vous qui entrez ici, laissez toute objectivité. En effet, les tons et le rendus des couleurs, c’est bien une histoire de goûts. J’aime le rendu Fuji, notamment leur dernière simulation de film CLASSIC CHROME, qui se rapproche franchement du KODAK KODACHROME. Les capteurs X-Trans n’utilisent pas une matrice de Bayer traditionnelle mais une matrice maison, et le capteur est dépourvu de filtre passe-bas, emboîtant le pas au D800e puis au D810 qui ont inauguré cette technique : l’appareil est un poil plus sensible au moiré mais, en contrepartie, le capteur offre une meilleure définition.

La qualité des fichiers de sortie

Qu’il s’agisse des RAW ou des JPEG, la qualité est au rendez-vous. Il est intéressant de noter qu’Adobe Lightroom embarque les simulations de films Fuji lorsqu’il s’agit de dématricer et de développer les RAW « .RAF ». Cela permet de retrouver en deux clics le rendu JPEG observable au niveau du boîtier. Cela peut paraître anodin mais lorsqu’on connaît la qualité du rendu JPEG sur la série X, cette possibilité permet d’économiser un précieux temps de traitement. Le traitement devient très sommaire et se résume à quelques coups de pinceaux pour affiner localement l’image à votre goût.

La modernité à l’ère de l’immédiat

Le X100T intègre le Wi-Fi et agit comme un point d’accès auquel les smartphones et tablettes peuvent se connecter. Ensuite, à l’aide de l’application idoine, Fujifilm Camera Remote (disponible sur le Playstore et sur l’AppStore), on peut réaliser différentes opérations comme la prise de vue à distance, le transfert de photos ou encore le géo-marquage des images (un peu inutile à mon sens puisqu’il ne se fait pas automatiquement dans le boîtier et utilise le GPS du smartphone, et qu’il consomme pas mal de batterie).

Prise de vue à distance

Une fois connecté, votre smartphone ou votre tablette affiche un viseur déporté et vous permet de modifier vos réglages de prise de vue (vitesse d’obturation, ouverture du diaphragme, sensibilité ISO) avant de déclencher. Cette fonction est pratique si l’appareil est sur trépied et que l’on souhaite être présent sur une photo de groupe, par exemple, ou que l’on souhaite photographier un animal sans l’effrayer.

Transfert de photos

La fonction la plus intéressante, à mon sens ! Quel plaisir de pouvoir prendre une photo, la transférer directement sur son smartphone, éventuellement la traiter sommairement avec l’appli de son choix puis de la transmettre par mail, SMS, clé USB, ou encore la publier sur ses réseaux sociaux préférés… Fonction testée et approuvée par des amis qui ont pu récupérer leur photo immédiatement après la prise de vue. Ça peut paraître anodin ou gadget, mais ça fait sensation et surtout, c’est très pratique.

Impression à la volée

On parlait de faire sensation juste avant, eh bien ce n’est pas tout. Fujifilm propose une imprimante type Polaroïd (pas vraiment une imprimante car elle fonctionne sans encre mais fait réagir du papier Zink qui révèle l’image) pour environ 150€. Elle est portable (petite et légère), fonctionne sur piles (dommage, des batteries auraient été un choix plus judicieux) et se connecte en Wi-Fi directement au boîtier. Imaginez un client qui récupère sur-le-champ une photo papier, à la suite de son shooting… Là aussi, on peut trouver ça superflu mais ça laisse une trace tangible, palpable, ça rend les gens heureux et ça peut être un début de bouche-à-oreille favorable. Une façon supplémentaire de se démarquer.

Je ne l’ai pas achetée pour le moment car je trouve le prix de revient (à la photo) trop élevé. Toutefois, l’idée est bonne et nécessiterait d’être repensée et améliorée pour faire baisser le coût.


L’appareil parfait ?

Non. L’appareil parfait, c’est un fantasme, un leurre. Il n’existe pas d’appareil parfait. Au mieux, il existe un appareil adapté à son besoin. De nombreux photographes ne comprennent pas cela lorsqu’ils viennent marteler leur avis à grands coups de les reflex c’est mieux, c’est plus lourd mais la qualité est supérieure. Évidemment, ils ont raison. Techniquement, si les reflex sont plus gros, plus chers, plus lourds, plus solides, c’est pour une raison. Ils sont très polyvalents et selon le parc d’optiques qu’on leur associe, ils permettent d’exceller dans toutes les disciplines. Mais ils oublient que certaines personnes, dont je fais partie, ne font jamais de photo animalière, ni sportive, ni de macro, ni d’architecture. Moi, mon truc, c’est le reportage. Le reportage de vie, de mariage, des portraits environnementaux, un peu de paysages parfois. Et dans ces disciplines, pour un amoureux du 35mm comme moi, je pense que mon choix est le plus judicieux.

Ce X100T n’est pas exempt de défauts, loin de là. Il en a deux gros et un petit. On va y aller par importance décroissante :

  1. L’autofocus : clairement en retrait par rapport à tout reflex digne de ce nom. Pour autant, il reste efficace et fonctionnel. Ce point est rédhibitoire pour la photo sportive ou animalière, mais soyons honnêtes, il faudrait être bête pour vouloir pratiquer ces disciplines avec un compact, non ?
  2. L’autonomie des batteries : il ne vous aura peut-être pas échappé que j’ai 6 batteries de rechange, donc 7 au total. C’est beaucoup. C’est parce qu’elles sont petites et offrent moins d’autonomie que celles du D800. Quand je faisais 700 ou 800 photos par batterie au D800, on tourne plutôt autour de 300 à 350 avec le X100T si on utilise, comme moi, principalement le viseur électronique. Cela dit, taille et poids font qu’on arrive au même résultat pour 2 batteries de D800 ou 7 batteries de X100T.
  3. La qualité d’image bien que très bonne ne matche pas celle d’un D800 bien réglé avec une optique de qualité, c’est une évidence. Mais force est de constater que je n’ai jamais tiré d’A0, d’A1 ni même d’A2 en plus de deux ans de possession du D800. Pour un usage web, honnêtement, je doute que quiconque y voie une différence. Et si c’était le cas, il faudrait un œil très entraîné, bien loin de celui de mes clients. Par ailleurs, je ne fais pas du fine art mais du reportage donc je laisse les tests de mire aux autres, chacun son truc 😉

D’accord, mais ça donne quoi ?

Comme toujours, on peut disserter des heures mais ce sont les images qui permettent de savoir si on se laisserait séduire ou non. Je proposerai peut-être une sorte de « blind test » prochainement, en mélangeant des photos au D800 et d’autres au X100T, pour voir si les lecteurs sauront faire la différence. 🙂

Mais, en attendant, quelques autres images :