Le reportage de mariage au compact : est-ce possible ?
Et, au-delà d’être possible, est-ce souhaitable ? Je vous vois sourire, vous, les puristes, au fond. Mais retenez vos ricanements quelques instants : vous pourriez bien être surpris…
Mon idée n’est pas de mettre en compétition les DSLR et les compacts en reportage de mariage, ce qui serait bien ridicule, mais de confronter différents outils pour répondre efficacement à un ensemble donné d’exigences.
Cet article vient en complément d’un précédent article, publié au moment où j’avais troqué mon D800 contre le X100T et que je les comparais. Après plus d’un an et demi d’utilisation exclusive, je peux consolider mon retour d’expérience et l’illustrer plus facilement.
Les éléphants du reportage de mariage : colosses aux pieds d’argile ?
Un marché trusté
Les nippons Canon et Nikon sont partout. En mariage, dans plus des trois-quarts des cas (en France, du moins), les photographes de mariage que vous croiserez sont équipés avec l’une des deux marques. Sur le quart restant, vous trouverez principalement du Sony (autre japonais, qui fabrique d’ailleurs les capteurs des deux premiers), puis un peu de Pentax, parfois.
Les raisons d’un succès
Ce n’est pas un mystère : ils font le job, ils le font même très bien. Polyvalents, ils sont bons partout. Ils sont un peu comme de grosses berlines, souvent toutes options, et s’adaptent à la plupart des situations.
Parfois, vous rencontrerez même des photographes avec deux boîtiers, ce qui leur permet à la fois d’assurer une tolérance de panne et d’utiliser en parallèle deux longueurs focales différentes, pour gagner du temps. Ce n’est pas idiot, mais il faut pouvoir se le permettre (double coût, double poids, problématique d’homogénéité des RAW si les boîtiers sont différents, etc.).
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Toutefois, une tendance émerge depuis deux ou trois ans, avec la montée en maturité de concurrents n’ayant jusque là pas été pris au sérieux par les vaisseaux-amiraux de la photo : les mirrorless. Je ne vous apprends pas grand chose en vous disant que les mirrorless présentent plusieurs avantages sur les traditionnels reflex qui sont principalement les suivants : l’absence de miroir induit une absence de bruit (son) au déclenchement, et les viseurs électroniques qui vont de paire permettent d’avoir un retour en temps-réel sur les réglages du boîtier, de sorte à ce que le contrôle écran devienne parfaitement inutile, permettant un gain de temps et de confort.
On lit sur la toile francophone comme internationale de plus en plus d’articles faisant état d’une bascule complète de matériel au détriment des DSLR et en faveur des mirrorless/ILC. Je vous en ai d’ailleurs déjà parlé l’année dernière dans mon article sur l’abandon du D800 au profit du X100T, je ne vous refais pas le topo. Pour être totalement honnête, on lit aussi, par ailleurs, des retours vers les DSLR dans certains cas, qui restent toutefois minoritaires. Ces retours sont justifiés par le fait que les propriétaires, souvent, avaient un besoin allant au-delà du périmètre d’efficacité des mirrorless.
Les DSLR ne perdront à mon avis pas de sitôt leur place au premier rang dans les mariages. C’est une place méritée. En revanche, ils doivent désormais la partager et il leur devient de plus en plus difficile de regarder de haut leurs nouveaux petits camarades !
Les outsiders sont là et ils ont faim !
Sony, Fuji, Panasonic, Ricoh, et même nos amis Canon et Nikon : tous les fabricants ont produit leur(s) mouture(s) de mirrorless, qu’il s’agisse d’ILC ou de compacts. C’est qu’il y a un marché.
Au plus près du besoin
L’équipement en photo se traduit par un cheminement au cours duquel on expérimente, on se découvre, on forge petit à petit notre style personnel. Du grand-angle aux longues focales, on joue avec la profondeur de champ, on photographie encore et encore jusqu’à ce que finisse par émerger une tendance statistique qui sert de prisme au photographe. Elle met en lumière la/les focale(s) de prédilection et peut orienter un remaniement.
Dans certains cas comme le mien, on réalise qu’on a une focale de prédilection et le marché actuel permet de trouver chaussure à son pied assez facilement, surtout pour des focales inférieures à 100mm.
Mon besoin : un appareil avec une excellente qualité d’image, une bonne gestion des hautes sensibilités, un AF au moins correct, et de la réactivité. Ensuite, s’il est petit, léger et beau, c’est du bonus.
Bingo avec le X100T pour moi, d’autres diront bingo avec le Canon 100D, le Sony A7RII, le Ricoh GR ou le Nikon D750, par exemple.
Un amour du beau alternatif
Il faut aussi le reconnaître, le style entre en ligne de compte. Le néo-rétro est tendance depuis quelques années et le restera sûrement encore un peu. Soyons honnête : le plaisir d’usage d’un objet est intrinsèquement lié à sa valeur esthétique et à sa réussite ergonomique. On aime porter une belle montre, conduire une belle voiture ou utiliser un beau smartphone ; pourquoi l’appareil photo échapperait-il à ce principe ?
Je vais sûrement me faire houspiller en écrivant cela, mais opter pour un compact quand on vient du monde reflex envoie une sorte de message, un peu disruptif. Pour certains, il peut s’agir d’une volonté de se démarquer, de se différencier, d’entrer dans la mouvance hipster. Wait… être hispter, c’est être différent ? Mais si on est tous différents, le sommes-nous encore ? Bref, je ne pense pas que ce critère soit cohérent et durable, c’est pour moi un mauvais raisonnement (tout du moins pour l’activité photographique).
Avantages pratiques du compact mirrorless en reportage de mariage
Leçon n°14 : se réconcilier avec les officiels
Qu’il s’agisse de l’union civile ou religieuse, que celui qui n’a jamais subi les foudres d’un officiel (maire, adjoint, conseiller municipal, prêtre, rabbin, imam…) à cause du gabarit ou du bruit généré par l’appareil photo me jette la première pierre. Nous avons tous connu ce maire qui glisse une petit remarque acerbe pour bien faire comprendre qu’on le gêne, ou encore ce prêtre qui « interdit » les photos pendant la cérémonie.
Et on peut les comprendre, sans se faire l’avocat du diable. C’est vrai que « clac » « clac » « clac » tout le temps, c’est chiant ! Et un mec qui se trimballe à travers les allées, entre les rangs, avec un boîtier qui ressemble à une arme de guerre, ça peut être perturbant, y compris pour les mariés et leurs invités. Le compact permet d’aller voir les officiels avant les cérémonies et de leur annoncer que, malgré les apparences (eh oui…), vous êtes le photographe officiel mais que vous saurez vous faire discret. Le mirrorless et son silence finira de les convaincre, surtout si vous êtes sympathique.
Leçon n°19 : surprendre les convives
Surprendre un invité avec un reflex et un 70-200mm n’est pas forcément compliqué. Toutefois, si vous voulez autre chose que des portraits ou des plans serrés, il va falloir sortir de votre buisson zone de confort et aller au contact des gens. Là, en revanche, ni votre 24-70mm ni votre 35mm ne pourront vous aider à passer incognito. Un reflex, avec un objo lumineux, c’est massif.
Problème : les gens qui vous voient ont du mal à rester naturels. Certains vont poser, d’autres vont se cacher, ou partir, d’autre encore vont simplement « neutraliser » leur expression. Dans tous les cas, adios la photo prise sur le vif…
Le compact mirrorless abat encore un atout ici, puisque la discrétion qu’il confère permet de se fondre parmi les invités et de récolter les images tranquillement, sans se faire repérer. Du « vrai » reportage, en somme !
Leçon n°27 : gérer les changements de lumière brutaux
Magie de l’EVF : WYSIWYG. Finis les réglages hâtifs, voire précipité, lors du passage de l’extérieur à l’intérieur, et réciproquement, suivis de photos test frénétiques afin de vérifier qu’on est correctement exposé ! Là, vous réglez votre boîtier l’œil dans le viseur électronique et vous savez. C’est bien plus efficace, opérationnellement parlant, et c’est très rassurant.
D’aucuns me répondront que les programmes de réglages prédéfinis ne sont pas pour les chiens, et ils auront raison, mais… de vous à moi, vous connaissez beaucoup de gens (de professionnels, devrais-je dire) qui les utilisent régulièrement et efficacement ? Moi non plus (ou alors je veux bien leur contact pour les interviewer, ce sont des phénomènes rares 😉 )
Leçon n°31 : rester mobile
Parce que photographe de mariage ne rime pas nécessairement (pas du tout, d’ailleurs, quand on y pense) avec « sherpa », ce n’est pas une fatalité que de crouler sous le poids du matériel. Si vous avez besoin de plusieurs focales, les ILC font tout à fait le job pour un encombrement et un poids très réduit.
Au-delà du moindre effort physique, un appareil compact permet de se mouvoir à travers la foule plus facilement, sans la peur de choquer la lentille frontale ou le barillet de l’objectif, sans la peur de mettre un coup de boîtier au gamin de 7 ans qui se faufile lui aussi, sans coller le pare-soleil en tulipe dans les reins de la demoiselle d’honneur ni attendre quatre plombes pour se frayer un chemin car votre équipement vous fait presque doubler de volume.
Leçon n°39 : créer un prétexte à la conversation
Ici, le petit côté disruptif peut apporter un bénéfice social : le fait de travailler au compact, ou bien le compact lui-même, pique la curiosité de certains convives et crée matière à discuter très facilement. Ainsi, on peut créer du lien. C’est certes agréable, mais il faut bien penser que cela ouvre aussi des portes.
Un ami fraîchement trouvé en mariage peut mobiliser les foules pour les photos de groupe, vous avertir si vous êtes sur le point de rater un instant intéressant/insolite, bref : il peut aussi vous faciliter la vie. Attention, je ne dis pas qu’il faut se sociabiliser de manière intéressée. Le lien, c’est chouette. Je dis simplement qu’il peut y avoir du bonus, parfois.
Leçon n°48 : livrer vite et bien
Ici, je vais aborder deux points. Le premier est général car commun aux mirrorless : l’EVF. Le viseur électronique et sa capacité à restituer directement le résultat à l’œil permet d’avoir bien moins de « déchets » photographiques : je ne sais pas vous, mais moi, si je n’aime pas l’aperçu de la photo que je vois dans mon viseur, je ne déclenche pas… 😉
Le second est plus spécifique à l’appareil que j’utilise, puisque, comme certains autres, il est pourvu du Wi-Fi intégré, qui permet notamment de transférer les JPG vers un téléphone. Nos smartphones débordant aujourd’hui de ressources (écran OLED, espace de stockage, puissance CPU), ils permettent d’effectuer un traitement « basique » avec certaines applis orientées pros (ou utilisateurs avertis) et d’envoyer une image en presque temps-réel, par exemple, par mail ou vers les réseaux sociaux. Quelle joie d’envoyer aux grands-parents qui n’ont pu être présents au mariage deux ou trois belles photos des époux ou de la famille, le jour J ! Effet garanti !
La preuve par l’image ?
Si vous n’êtes pas d’accord avec moi, c’est très bien. Je vous propose d’en discuter de façon constructive, images à l’appui. L’idée est de rester dans le périmètre du reportage de mariage, toutes marques, tous modèles, tous styles confondus. Si votre reflex vous semble indispensable en reportage, qu’est-ce qui motive cette impression ? Quelles images réalisées au reflex n’auriez-vous pas pu produire avec un compact expert ?
En ce qui me concerne, puisque charité bien ordonnée commence par soi-même, je vous propose ci-dessous une sélection de photos de reportage de mariage. Ces photos ont strictement toutes été réalisées avec un compact mirrorless, le Fujifilm X100T et son équivalent cadrage 35mm f/2, sans accessoire (pas de flash, pas de convertisseur optique genre X100-WCL ou X100-TCL). De la même façon, l’idée est de pouvoir débattre et si vous jugez que certaines images pêchent par leur qualité technique (profondeur de champ, lumière, netteté, bruit, etc.), je vous invite à me l’écrire. C’est tout l’avantage de l’échange : la progression mutuelle !