6 mars 2024 • 8 min de lecture

Il était une fois... l'Aprilia RSV4

Il était une fois... l'Aprilia RSV4

Le K1300R, moto ultime ? Presque, oui. Il lui manquait l'agilité, le fun, et le caractère moteur ; bien que très performante et efficace, quand le sourire arrive dans le casque, on est déjà éligible au retrait de permis. Et le 4 cylindres en ligne, conjugué au poids important de la machine, la rendent malgré tout très linéaire. Ça a les inconvénients de ses avantages, c'est très subjectif.

L'Hypermotard 1100 evo ? En un mot : explosif ! L'autre mot, c'est "fun", sinon. Vraiment partout, tout le temps, sur toute la plage utile. Mais pas évident à doser pour garder les deux roues au sol, et quand on cherche l'efficacité, eh bien ce caractère très explosif devient un handicap car on doit microdoser la poignée des gaz, et donc on perd du temps. Et, évidemment, pour faire de grands trajets, c'est loin d'être idéal, que ce soit pour son confort spartiate ou ses capacités d'emport très limitées. Mais j'ai adoré son châssis, sa légèreté, son agilité, son gros caractère, le moulin super tonique et vivant, y'a pas d'autre mot.

La nostalgie du S1000RR

Revenir au 4 en ligne après l'Hypermot' ? Impensable ! Le L2/V2 ? Une découverte dont le ravissement m'était inattendu. J'aime beaucoup, mais... typiquement, en rallye routier, c'est un peu trop "patator" ! Et puis, ça manquait un brin de technologie à bord. J'avais envie de retrouver l'ingénierie du S1000RR avec une architecture moteur qui soit à mi-chemin entre un L2/V2 et un 4 en ligne, le tout saupoudré d'une technologie de pointe, actuelle, notamment le régulateur de vitesse et l'écran TFT.

Et là, vous m'avez vu venir, avec mes petits pieds et mes grandes chaussettes : un V4 moderne ! Deux marques possibles, les deux de l'autre côté des Alpes : Ducati et Aprilia.

Je vois les dernières Tuono V4 2021, et la version non-Factory me séduit très vite. Elle a une petite bulle droite, une vraie selle passager, des poignées, on peut lui installer des sacoches cavalières, et ça n'a pas l'air de se traîner, avec 175ch et 125Nm de couple. J'épluche les tests et je planifie un essai.

L'essai est probant, la polyvalence est bonne. Je ne suis pas trop fan du guidon, mais passons. Je demande un devis et je prends le temps de réfléchir. Je sélectionne quelques annonces sur Leboncoin, jusqu'à tomber par rebond sur une annonce normalement hors scope : celle d'un RSV4 avec les jantes rouges de la version Factory du modèle précédent.
C'est le coup de foudre !

Trêve de blabla, je prends contact, je réserve la moto pour mon retour de vacances, et c'est Darty mon kiki !

La vie en RSV4

Ce qu'il faut déjà noter, c'est qu'on en a pour son argent. Le rapport qualité/prix/service est imbattable. J'ai acheté la moto 17.700€, elle avait 3.000km et un an, avec un silencieux Akrapovič carbone spécifique & la cartographie qui va avec.

Côté fiche technique, les 217ch passent à plus de 222ch avec le silencieux et la map associée, et 128Nm de couple, pour à peine 200kg tous pleins faits. Comme toutes ss concurrentes sur le segment, c'est un véritable missile. Le V4 a un grondement très caractéristique qu'on reconnaît facilement, moteur en charge ; c'est jubilatoire. Cette architecture permet d'avoir plus de couple à bas et moyen régimes, et le ressenti, c'est que ça arrache partout, tout le temps, tout en étant facilement dosable (si tant est qu'on soit au-dessus de 35km/h, vitesse du ralenti de 1ère quand on relâche entièrement l'embrayage !). La puissance délivrée par le bloc est d'autant plus impressionnante que celui-ci est très compact.

Quid du confort ? Cela reste évidemment très relatif : on sait dans quoi on s'embarque en choisissant ce type de moto, c'est pas un K1600GT, quoi.
Cela dit, à bord, tout tombe naturellement sous la main. Les bracelets sont plutôt ouverts et pas placés trop bas, ce qui contribue à rendre les longues étapes supportables. Le confort est tout à fait OK si on adopte une position sportive, donc les fesses au fond de la selle, les abdos gainés, en léger appui sur les repose-pieds, le haut du corps souple. Comme sur toutes les sportives, en somme.

Est-ce une moto que l'on peut utiliser au quotidien ? Sans aucun doute, pourvu qu'on surveille de très près la consommation d'huile. Est-ce que je recommande cette moto pour cet usage ? Non, surtout parce que c'est pousse au crime ; on a tout le temps envie de bombarder, elle ne demande que ça... et nous aussi ! Elle m'a rappelé l'agrément du S1000RR pour tous les jours : on n'est pas sur une moto des plus radicales, comme la Yamaha YZF-R1 par exemple, vraiment typée piste et sacrifiant tout confort pour aller exclusivement chasser du chrono (Yamaha a d'ailleurs officiellement annoncé très récemment —27 février 2024— l'arrêt de la commercialisation du modèle pour l'usage routier, à l'instar de sa petite sœur la YZF-R6, en raison de normes antipollution trop strictes ; ouvrant le champ à l'arrivée d'une hypothétique et très attendue YZF-R9 —depuis annoncée et présentée le 9 octobre 2024 — sur un segment légèrement différent mais davantage d'actualité).

Côté passage à la pompe, j'ai trouvé la consommation très raisonnable. Sur un roadtrip de 3.000km, à rythme disons dynamique, la moyenne est restée autour de 5.8L/100km. En balade solo, plutôt 6.5L/100km. Rappelons qu'on parle d'un 1100cc avec 220 chevaux ! Avec 18L de réservoir, on peut aller chercher les 300km d'autonomie en roulant coulé, ce qui est un luxe pour ce genre de machines.

L'électronique est loin d'être en reste : Traction Control sur 8 niveaux, Wheelie Control sur 3 niveaux, réglage de la cartographie moteur (réglage de la réponse à l'accélération sur 3 niveaux), modes de conduite (3 modes routes, 3 modes piste), Engine Brake control sur 3 niveaux, cornering ABS, cornering lights, le tout avec une centrale inertielle à 6 axes... bref, on peut perdre quelques dizaines de minutes dans les menus pour se faire un réglage aux petits oignons, que ce soit sur route ou sur piste. Le Traction Control se règle à la volée, il y a même des boutons "+" et "-" directement au commodo gauche, pas besoin d'être à l'arrêt, ça se règle en roulant. Idem pour le changement des modes de conduite.

Les expériences en RSV4

Un roadtrip intensif

Le plan était le suivant : une équipe de 6 dingos, 3000km en 6 jours pour faire le Morvan, les Cévennes et les Pyrénées. Pour l'occasion, j'avais acheté le SportRack, de chez Hepco & Becker, une platine métallique venant se fixer en lieu et place de la selle passager (ou du strapontin avec ailerons, selon ce qui est en place) et permet d'accueillir un gros sac de voyage sans abîmer la coque arrière.

Dessus, j'ai installé un sac que j'ai trouvé parfait à l'usage : le Travelbag 65L de chez SW-Motech. Il est grand et sa forme permet de limiter le frein aéro tout en gardant un volume utile très suffisant.

Ce sac est venu s'assortir à la sacoche de réservoir SW-Motech Pro Sport (12-17L), ultra pratique au quotidien.

La longueur des étapes a eu raison de mon endurance, chaque jour, vers 17 heures. Je n'avais la moto que depuis un mois au moment du départ, pas vraiment eu le temps de me réhabituer à la position ni de parfaire ma ceinture abdominale pour gainer comme requis par ces missiles mécaniques. Aussi, à la pause de l'après-midi, j'étais systématiquement rincé. Le plus difficile : les sections à l'asphalte dégradée, pas vraiment roulantes, avec du dénivelé négatif ; un vrai drain d'énergie.

Nul doute qu'eussé-je eu la moto 6 mois plus tôt, l'expérience eut été différente. Cela m'a évidemment valu les railleries de mes camarades, c'est de bonne guerre.

Il n'empêche. J'ai parlé des limites du bonhomme, mais la machine, elle, n'a pas démérité ! Rien à redire. Pas une toussoterie, une surchauffe, une fuite, un caprice, rien ! Chargée de mes 84L de bagagerie au total, elle n'a pas hésité à prendre l'initiative de se cabrer en interfile sur la rocade bordelaise lorsque le chemin s'est dégagé.

Pour la faire courte : c'est pas fait pour, mais on peut, avec un peu de condition physique.

Le Rallye-Routier de la Sarthe 2023

Après mon baptême en 2022, j'ai eu envie de remettre le couvert avec cette moto, bien différente de l'Hypermotard 1100 evo, et pour l'occasion j'ai embarqué quelques potes avec moi (respectivement en Triumph Tiger 1200 XCA, en BMW S1000R et en KTM 1290SAS).

Un vrai plaisir à emmener quelques tours sur le circuit du Bugatti, elle était dans son élément naturel (pas moi !). Pour le reste de la journée, toujours très capable, même s'il était difficile de passer les rapports au-delà de la 3... mais elle a attiré les regards et a gagné le cœur des enfants !


Epilogue

J'ai adoré cette moto. Je l'ai revendue car elle me coûtait trop cher, dans la mesure où un projet immobilier a démarré plus tôt que prévu ; il a donc fallu faire des choix responsables, en l'occurrence réduire la voilure côté moto. Ca s'est traduit par l'achat d'une moto "de consolation" qui m'a donné la banane pour des raisons différentes ! Mais c'est une autre histoire...

Petite remarque : elle a bouffé pas mal d'huile, ce qui est apparemment courant d'après ce qu'on peut lire sur les groupes d'utilisateurs à l'international. On parle de 300ml/1000km environ. Certains ont observé une diminution après 10.000km, j'ai vendu la mienne avant ça, donc je ne peux pas me prononcer. Mais au prix de la Motul 7100 10W50, c'est un budget consommables à prévoir, mine de rien.

La poignée des gaz a commencé à se craqueler légèrement aussi, c'est un problème courant et identifié, complètement pris en charge en garantie.

Si vous avez des questions restées sans réponse, n'hésitez pas à me contacter et si je peux, j'y répondrai avec plaisir.