17 mars 2021 • 12 min de lecture

Il était une fois... la Yamaha XJR1300C

J'ai tellement aimé cette moto que j'en ai acheté une, je lui ai mis 60.000km en 3 ans, j'ai changé, et un an plus tard, j'en ai racheté une autre presque neuve ! Pourquoi ? Prenez un jus et venez vous asseoir, je vous raconte.

Il était une fois... la Yamaha XJR1300C

Pourquoi le XJR ?

Ma petite vie de motard a débuté dans la Team Yamaha, avec un FZ6-N S2 de 98 poneys chétifs. Ainsi, j'ai pris mes repères et habitudes dessus, je me suis accoutumé à la linéarité et régularité du 4 cylindres en ligne qui permet d'avoir une moto souple, prévisible, pas piégeuse : idéale pour débuter et ensuite, même confirmé, pour les trajets du quotidien.

Quelques années plus tard, j'achetais un FZ8, ni plus ni moins la même moto avec une dizaine de chevaux et un brin de couple en plus, mais toujours ce même esprit général. Progressive, pardonnant les erreurs de jeunesse, relativement économique, très fiable.

J'avais déjà croisé quelques motards en XJR et cette moto, bien que d'une grosse cylindrée par rapport à mon expérience d'alors, me plaisait bien. Elle semblait dégager une sorte de force non ostentatoire, un peu comme une grosse berline. Capable mais confortable, sans bander les muscles. Le genre de meules qui délivrent, pour voyager, mais qui sont gourmandes en pneu arrière et en consommation d'essence. En revanche, son look un peu rétro m'avait freiné, et je l'avais très clairement associée à une moto de papa, voire de jeune papy.

Et puis, soudain, en 2015, j'allais être papa. Tiens, tiens, tiens... J'avais vendu quelques mois plus tôt, pour économiser des sous, le FZ8, mais ma situation avait un peu évolué et j'étais dans la possibilité de me reprendre une moto. Or, il se trouvait aussi que 2015, c'était l'année du dernier restylage du XJR, sous la dénomination (peu connue) de XJR1300C. Un look néo-rétro, modernisé, un peu rock & roll. Une peinture Power Blue de toute beauté, une selle confort d'origine, surpiquée, stylisée. Un porte plaque, un bloc moteur tout de noir vêtu, idem pour le collecteur et la ligne. Waow, la claque visuelle !

L'élue

On trouvait quelques occasions récentes sur LeBonCoin. Il fallait que j'en voie une, que je m'assoie à bord, que je fasse un tour, pour savoir si ça pouvait le faire. J'ai trouvé l'annonce d'une moto ayant tout juste 7 mois et 3700km au compteur, dans un état absolument neuf. Equipée d'une bulle haute Yamaha et de poignées chauffantes. Son ancien proprio était un policier à qui l'on venait d'attribuer une MT-09 de fonction, et son XJR récemment acheté prenait la poussière dans son parking. Au passage, j'économisais presque 2500€ par rapport au prix neuf. Je le contacte, on se retrouve. Il me fait confiance, je pars l'essayer, je reviens enchanté par tant de couple et je signe.

S'en suivront 3 années de bonheur. Cette moto était mon daily pour aller bosser, mais aussi ma moto loisir, et honnêtement j'arrivais à bien concilier les deux au quotidien. Très accessible car facile à emmener, on roule sur le gras du couple tout le temps, quelle force ! Une force tranquille, mais présente. Bien bien présente. Mais entrons un peu dans le détail.

La parenthèse historique

Le XJR1300 est une moto de conception ancienne car c'est en réalité l'évolution du XJR1200, lui même évolution de la Yamaha XS1100, présentée en... 1978 ! Eh oui, c'est le même bloc moteur et la même conception de châssis qui ont été revus pour s'améliorer au fil des phases et pour entrer en conformité avec les différentes normes de sécurité et d'antipollution, tout en tâchant de rester compétitif. La XS1100 est d'ailleurs la 1ère moto 4 cylindres de l'histoire de Yamaha, et elle embarquait même un cardan à l'époque ! Etonnant, non ?

Pour démontrer ses capacités de "fun", lors de sa présentation, Jean-Claude Olivier, importateur de Yamaha en France, surprendra la presse et la foule en débarquant en wheelie, vêtu d'un simple ensemble polo manches courtes/jean/baskets, sur une plage de Dakar. Sacré coup de pub, non ? Et joli pied de nez à ce journaliste qui la qualifiait de "camion" avant même son lancement.

Je n'évoque pas cette anecdote historique uniquement pour le plaisir de la culture générale motocyclique, mais aussi pour expliquer que si cette XJR13000C de 2015 est bien née, elle est par ailleurs l'héritière d'une préexistence qui à la fois lui profitera et la desservira.

Le XJR1300 au quotidien

Autonomie

Commençons par les inconvénients (c'est évidemment subjectif, comme tout cet article). Il en est un, et pas des moindres, qui peut devenir vite agaçant : sa faible autonomie.

Le XJR1300 traditionnel, dans ses versions jusqu'à 2014 inclus, était presque une routière nue. Sa consommation non timorée (de 6L/100km en roulant éco à 8.5L/100km en moyenne, en roulant plus dynamique) était compensée par un large réservoir de 21L, lui permettant de prolonger les escapades. Or, à des fins esthétiques, pour affiner le réservoir et moderniser l'allure de la moto, le restylage de 2015 amputera le volume du réservoir d'un tiers de sa capacité, rien que ça ! Il passe ainsi à 14,5L seulement. Vous l'aurez deviné, la consommation, elle, ne change pas. Et la boîte de vitesses à 5 rapports n'aide en rien. C'est donc l'autonomie qui trinque directement, et on passe d'un 320km confortable à 180/220km selon le rythme de conduite. A une époque où je faisais successivement 120km/jour puis 180km, cela signifiait un plein quotidien, et parfois deux, si je devais faire un quelconque détour dans mon programme hebdomadaire.

Ça ne coûte pas plus de sous, mais ça coûte du temps et c'est pénible de s'arrêter si fréquemment. Maintenant, c'est pénible, OK, mais ça ne m'a pas gâché le plaisir durant 3 ans et 60.000km ; chacun placera sa limite de tolérance comme bon lui semble.

Un point de détail qui ajoute à l'injure : la jauge de carburant a un comportement atypique, mais régulier (toujours le même, donc prévisible). Elle est composée de 4 barres de tailles différentes. La plus éloignée de la réserve est grande, elle fait presque 50% de l'affichage. Les autres barres se partagent la seconde moitié. Et la première barre disparaît à mi-plein. Finalement, expliqué comme ça, ça semble logique, mais croyez-moi que ça ne l'est pas forcément : on pourrait penser que 4 barres = chaque barre vaut 1/4 de plein, mais que nenni !

D'ailleurs, les deux premiers proprios respectifs de mes deux XJR m'avaient chacun remonté ce "problème" de jauge. Et le deuxième a même fait passer la moto en garantie deux fois chez Yamaha pour "corriger" ce "problème". Visiblement, la concession Yamaha n'était pas au courant que c'était le fonctionnement nominal sur ce modèle. Je ne sais pas ce qu'ils ont changé, réglé, ou pas, mais ça n'a évidemment rien "corrigé" ! Fort de mon expérience du premier XJR, je n'étais pas déboussolé.

Prestations dynamiques (suspensions, partie-cycle, transmission)

Vous vous souvenez, il y a deux minutes, lorsque je vous parlais de son héritage du XS1100 ? Le moteur a été réalésé pour gagner en couple et puissance, mais le châssis a relativement peu évolué. La moto est longue, le cadre l'est aussi, bien que la boucle arrière ait été raccourcie. Les motos des années 80 étaient bien moins raides et précises que les motos actuelles, et dans le package des gênes hérités, on retrouvera donc un bon confort au prix d'un châssis élastique lorsque mis en contrainte, qui bougera gentiment sur du roulage dynamique. On s'en accommode relativement facilement quand on le sait, et on peut même en jouer, le tout étant d'en rester conscient et d'être lucide par rapport à ses limites physiques.

Un ami qui l'a essayée a été gêné par un sentiment de flou de l'avant. C'est vrai qu'elle n'a pas la précision chirurgicale d'une sportive, et qu'on a relativement peu de remontée d'info, mais en daily comme en voyage, ça fait bien la blague, et ça pardonne les trajectoires trop optimistes ! :p

La boîte n'a que 5 rapports, il faut s'y habituer. Et il n'y a pas d'indicateur de rapport engagé, donc il faut compter dans sa tête. Avec le temps, on connaît les régimes moteur et les vitesses si bien qu'on peut déduire le rapport engagé. Mais parfois, il m'est arrivé de rentrer la 1ère en pensant rentrer la 2ème, et l'ami qui me suivait en arsouille dans un col suisse a été tout aussi surpris que moi, haha... (déso Geo !).

Niveau douceur de boîte, on est chez Yam. La première claque comme la marche arrière d'une Super 5 enclenchée sans débrayer, mais c'est nominal. Le reste des rapports passe de façon plus fluide, sans à-coups, et avec précision. Il est rare de rater un rapport. De même, trouver le point mort est rarement un exercice difficile.

Côté suspensions, on est bien servi avec un double combiné Öhlins qui suspend très honnêtement la moto. Bien réglés, ils la rendent à la fois confortable et raide. Côté fourche, on est sur une fourche traditionnelle (non inversée) qui mérite d'être légèrement durcie par souci d'homogénéité, soit à l'aide de ressorts plus fermes, soit à l'aide d'une huile de fourche plus visqueuse/dense. Elle ne plonge certes pas comme un Bandit, mais au freinage, on n'a pas non plus la tenue d'assiette à laquelle on peut être habitué venant d'une moto de la production actuelle, c'est un fait.

Ma première XJR était mue par alternativement des Angel GT, des PowerRS puis des Road 5. La seconde aura connu les fabuleux Continental TKC70, bluffants d'efficacité sur route, même mouillée, comme sur chemins (herbe, graviers, sable, terre), en plus de lui conférer un look de Power Scrambler très flatteur.

Moteur

Le plus gros bloc à refroidissement air/huile au monde (encore commercialisé, avant c'était celui de la Suzuki GSX1400) en 2015. Gavé de couple, dès le bas régime. Comme une main dans le bas du dos qui vous pousse très fort en avant mais sans brutalité. Voilà. Cette moto n'était pas puissante (98ch officiellement, souvent dans les 108 en réalité d'après différents dynos, retours, etc.) mais une vraie force tranquille. Le moteur est par contre très linéaire dans sa façon de délivrer sa puissance. Pas de trou ni de pic dans les courbes, pas de coup de pied inattendu au milieu de la plage de régime. C'est basique : vous ouvrez, elle répond graduellement. En revanche, moteur très prévisible donc et agréable. On ne se fait pas surprendre, ça veut aussi dire qu'en arsouille, on sait exactement comment la moto va se comporter côté watts, et ça permet d'anticiper sans se tromper ! Et ça, personnellement, j'ai adoré.

L'échappement qu'on y associe déterminera la signature sonore qu'on veut lui donner. Vous aimez la pétarade au passage des rapports et à chaque lâcher des gaz ? Optez pour un SC-Project Conic '70, une merveille rétro à souhait. Vous préférez un son plus linéaire et bien grave/gras ? Tournez-vous plutôt vers l'Akrapovic en option (un modèle dédié au XJR, le silencieux Akra offrant le plus de gain annoncé de performances de toute leur production, d'ailleurs).  

Confort

Rien à redire de ce côté-là si ce n'est que je recommande aux grands rouleurs l'installation d'une bulle comme la mienne ("bulle Yamaha XJR sport", en réalité une belle pelle à tarte mais bien efficace : on ne sent pas le vent à 150/160km/h [NDL'A : sur les portions non limitées de l'Autobahn, bien sûr] si on n'est pas trop grand).

La selle est aussi esthétique qu'elle est confortable, même pour le passager ; c'est en tout cas ce que l'on m'a répété maintes fois et que l'on m'a ensuite rappelé (non sans reproche) lorsque j'ai changé de moto, haha. Et c'est bien la selle d'origine que vous voyez-là.

La position de conduite est assez droite, très peu fatigante. Le guidon est large et rend la moto trèèèèès maniable. Les rétros d'origine sont efficaces : ils ne vibrent pas et on voit bien dedans.

Duo

Je l'ai rapidement évoqué à l'instant : même si de prime abord on ne mettrait pas forcément sa main à couper pour parier que la moto s'y prête, l'expérience nous a prouvé qu'elle est vraiment apte au duo sans grand sacrifice. Rien pour se tenir mais aucun problème pour un SDS expérimenté. L'assise passager est légèrement surélevée mais rien de drastique. Elle est large et confortable, les jambes ne sont pas trop pliées (sauf si votre SDS fait plus d'1m75).

Et puis le couple de camion (ah ! on l'avait dit que c'était un camion ! Okay mais juste pour le couple alors ;-)) a cet avantage que vous ne ferez quasiment pas la différence avec votre roulage solo. Avec le bon réglage de précontrainte, c'est une vraie promenade de santé, même à bon rythme.

Le XJR1300 en voyage

Par rapport à ses grandes sœurs, le XJR a perdu en prétentions de baroudeuse : moins d'autonomie, pas de poignée passager, moins de supports d'origine pour la bagagerie. Mais quand on veut, on peut. J'ai voyagé en Suisse, en Angleterre et au Pays de Galles avec mon premier XJR alors que je n'avais aucune bagagerie sinon un sac de sport sanglé, puis j'ai voyagé en Allemagne, en Autriche, en Italie et en Suisse avec le second, équipé, lui, de modestes sacoches cavalières Yamaha (rebranding SW-Motech Blaze).

Au final, on y adapte très bien la bagagerie que l'on souhaite (sacoche de réservoir, sacoches cavalières, top case, sacoche de selle, etc.) et là où elle pêchera, c'est sur la longueur des étapes entre les arrêts à la station-service. Mais en roulant vraiment éco, j'ai déjà fait 250km avec un plein.

Pourquoi l'avoir vendue ?

Après tous ces kilomètres partagés ensemble, j'avais acheté un S1000RR pour me donner un nouveau défi. J'ai gardé les deux motos plusieurs mois, mais la réalité des faits m'a démontré que je n'utilisais quasiment plus du tout le XJR. Et il était temps de la laisser vivre une nouvelle vie auprès d'un autre motard. La BMW hypersport était un nouveau challenge et repoussait ma courbe d'apprentissage, pile ce que je voulais : une moto plus précise et exigeante, pour progresser.

Pourquoi l'avoir rachetée ?

Je revendais le S1000RR pour acheter une moto de piste moins coûteuse et mieux préparée en cas de chute. Avec le reliquat, il me fallait aussi retrouver une moto pour le quotidien. J'avais tellement adoré le XJR que c'est un choix qui s'est fait très naturellement. J'étais "à la maison" avec cette meule. Fiable, et je la connaissais sur le bout des doigts. Mon garage est donc devenu bipolaire, avec un XJR et une Daytona 675.

Pourquoi l'avoir revendue ? (haha)

Pour faire court, pour les mêmes raisons que la première, à peu de choses près. J'avais à nouveau la sensation d'en avoir fait le tour et j'avais envie d'un nouveau défi, d'une moto plus exigeante et plus puissante, mais aussi de quelque chose de différent. Et puis j'avais pu faire un joli mototrip avec, donc sans regrets.

J'ai trouvé un acheteur en une semaine, elle est partie assez vite. Après quoi, j'ai pu concrétiser un nouvel achat.

A qui s'adresse cette moto ?

Aux amoureux du style Neo-Retro pour les versions C (post 2015), aux amoureux des gros power roadsters rétro pour les anciens XJR. Une moto confortable, prévisible, pleine de couple à tous les étages... une valeur sûre pour un coût modéré.

J'ai aimé :

  • Le look
  • Le couple
  • Le confort
  • La sonorité
  • Le duo
  • La fiabilité
  • La protection vraiment OK avec une bulle haute
  • Le prix contenu à l'achat et à l'entretien

J'ai moins aimé :

  • L'autonomie
  • La géométrie un peu datée
  • La fourche aurait mérité d'être inversée et plus costaude/ferme
  • La boîte qui claque, et seulement 5 rapports, dommage pour la conso
  • Pas d'indicateur de rapport engagé
  • La jauge d'essence un peu loufoque
  • L'absence de cardan ? Ca aurait pu avoir du sens.

Epilogue

Au final, une moto qui m'aura marqué et en bien. Je ne pense pas y revenir à l'avenir, car cette fois j'ai vraiment le sentiment d'avoir bouclé la boucle, j'ai fait ce que je voulais avec ce modèle et il ne répond plus à mon cahier des charges actuel (je précise "actuel" car il est régulièrement revu, ainsi va la vie et ainsi vont les envies/besoins).

Je pourrais la recommander en sortie de A2 car elle est vraiment saine, et la linéarité du 4cyl est contrebalancée par le fun du gros couple, c'est un bon compromis.